Publié le mardi 21 mars 2023
Interview d'Elise Ophèle, directrice Activation France, Criteo.
Le retail média est identifié comme l’un des leviers les plus prometteurs de l’écosystème publicitaire.
Nouvelle vague de la publicité digitale, il a connu un essor considérable au cours des dernières années, porté par le boom du commerce en ligne.
Mais à mesure que les retailers et e-commerçants gagnent en maturité et musclent leurs offres en proposant de nouveaux formats et des inventaires étoffés, quelles sont les opportunités pour les marques ? Comment émerger dans ce nouvel environnement et comment s’assurer du tant convoité retour sur investissement ?
PASSERELLE : Le Retail-Media a été identifié comme l’une des grandes tendances publicitaires digitales en 2023. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Elise Ophèle : Bien sûr ! Le Retail Media, dans sa forme la plus simple, désigne l’ensemble des annonces publicitaires diffusées sur les sites ou les applications de vente en ligne des retailers – ou plus généralement des e-commerçants – afin d’influencer le consommateur au moment de l’acte d’achat. Cela se traduit notamment par la présence d’annonces natives (aussi appelées « produits sponsorisées ») ou display sur la page d’accueil d’un site ou d’une application, sur la page des catégories, celle des résultats de recherche ou encore des descriptifs produits. Certaines solutions de Commerce Media permettent également aux marques de recibler les audiences retail lorsqu’elles naviguent sur l’internet ouvert, en proposant des annonces display off-site.
À bien des égards, le Retail Media est la version numérique du marketing commercial et d'achat qui a longtemps été un élément essentiel des magasins physiques. A l’instar d’une tête de gondole ou d’une publicité installée dans les rayons d’un magasin, le retail media permet aux marques d’accroître leur visibilité en « rayon numérique ». Le retailer va ainsi monétiser son offre publicitaire, ses audiences et sa connaissance de celles-ci (1st party data), en les mettant à disposition des agences et des annonceurs via les inventaires disponibles sur son site.
PASSERELLE : Comment expliquez-vous le succès fulgurant du Retail Media ? Pourquoi maintenant ?
Elise Ophèle : Plusieurs raisons viennent expliquer l’essor rapide du Retail Media ces dernières années.
Tout d’abord, le commerce en ligne a connu un boom sans précédent accéléré par la pandémie de Covid-19, qui a poussé les shoppers à faire leurs achats en ligne. Ces nouvelles habitudes sont amenées à perdurer et le marketing commercial s’oriente donc à juste titre vers le digital. Les spécialistes du marketing ont, avec le Commerce Media, trouvé la solution pour s’adapter à l’air du temps, grâce à des solutions marketing qui boostent les visites et les conversions en ligne et hors ligne.
D’autre part, dans un contexte où les cookies tiers sont amenés à disparaitre dans les prochaines années, les données 1st party représentent une opportunité de taille, aussi bien pour les retailers que pour les marques. L’activation de ces données, sur les sites des e-commerçants et au-delà, va en effet permettre d’optimiser le ciblage des audiences pour proposer à chaque utilisateur une expérience personnalisée en fonction de ses goûts, de ses intérêts et de son avancée dans le tunnel de conversion, mais apportera également de nombreux insights sur les tendances et habitudes d’achat. Je précise que la collecte et l’activation de ces données sont bien entendu soumises au consentement de l’utilisateur, et s’inscrivent ainsi dans une démarche responsable et respectueuse de la vie privée.
Enfin, dans un contexte où les catalogues papiers sont amenés à disparaître, le retail média se présente comme une parfaite alternative de relais de croissance et de notoriété pour les marques.
PASSERELLE : ll y a donc des véritables avantages pour les retailers et pour les marques ?
Elise Ophèle : En effet, et ils sont nombreux ! Si le Retail Media constitue une nouvelle source de revenus pour les e-commerçants – d’autant plus précieuse en termes de rentabilité dans le contexte économique actuel – les opportunités pour les marques sont également nombreuses.
En ciblant les consommateurs avec des messages attrayants et cohérents pour augmenter leur présence sur le site des retailers, les marquent touchent les shoppers directement sur le point de vente numérique. Comme en magasin classique, les marques doivent être visibles là où les gens les attendent - et non enterrées en page 2 ou 3 des résultats de recherche. D’après les données de Criteo, 85 % des ventes sont déterminées par la première page des résultats, et sur cette première page, les 10 premières références raflent 25 à 30 % des recettes. En d’autres termes, la visibilité permet de préserver à la fois la valeur de la marque et ses bénéfices. Or, le retail media n’a pas son pareil pour propulser les marques en bonne place dans les rayons numériques. Et grâce à des capacités de création innovantes et à des emplacements accrocheurs, cette solution peut également aider les marques à se démarquer, et ce de manière non intrusive.
De plus, et nous l’avons abordé tout à l’heure, le Retail Media est fondé sur l’utilisation des données 1st party des sites e-commerce, dans l’objectif de diffuser des publicités très pertinentes aux consommateurs. En utilisant des informations sur l'audience et l'engagement publicitaire tirées des données de première main d'un retailer, les campagnes de retail media peuvent atteindre les objectifs des annonceurs à grande échelle, comme l'identification de nouveaux acheteurs. La publicité sur les sites de vente en ligne est également considérée comme un environnement intrinsèquement sûr pour les marques, car elle s'appuie sur des domaines de vente au détail établis de longue date et fiables.
Enfin, et c’est probablement la partie la plus intéressante pour tout professionnel du marketing, le retail media offre de mesurer très précisément le retour sur investissement publicitaire, et de relier les ventes on et off-line générées par une campagne de manière déterministe. Les annonceurs peuvent ainsi analyser en temps réel leurs performances publicitaires, ajuster et optimiser les campagnes en cours, mais également définir leurs budgets futurs en fonction de ces éclairages.
PASSERELLE : Mais alors, comment est-ce que cela fonctionne ?
Elise Ophèle : Notons tout d’abord que le succès du retail média repose une la collaboration entre plusieurs acteurs : les enseignes qui représentent le côté offre de l’écosystème, les marques et les agences pour la partie demande, et enfin, les adtechs – telles que Criteo – qui les accompagnent tout au long du cycle de vie d’une campagne. Ces dernières créent les plateformes où se rencontrent l’offre et la demande, mais également les outils pour un meilleur ciblage et une meilleure mesure, et créent de la valeur dans un espace où la rentabilité, la performance et l'adressabilité sont essentielles.
Le point de départ de toute campagne Retail Media est la définition de la stratégie de l’annonceur : le retail media, en tant que carrefour d’audiences, permet aujourd’hui de faire aussi bien de la communication haut et bas de funnel. Il s’agit donc de déterminer si la marque souhaite gagner en notoriété ou générer des ventes, s’il s’agit d’animer un fond de rayon (gammes permanentes) ou des temps forts tels que des marronniers (Noël, Saint Valentin…) ou des promotions. En fonction de ses objectifs, la marque pourra alors définir ses audiences cibles, son budget alloué ainsi que ses leviers d’activation.
Comme évoqué précédemment, une annonce retail media peut être native (produit sponsorisé) ou display. Dans le premier cas, l’annonce s’intègre parfaitement aux résultats de recherche, c’est-à-dire qu’elle ressemble aux autres éléments de la liste, et a souvent pour objectif de favoriser la conversion et de s'assurer une part de l'espace numérique. Une annonce display sort davantage du lot et permet de cibler des audiences d'acheteurs spécifiques, souvent en phase de réflexion, avec un contenu de marque statique ou dynamique (comprenant des données sur les produits et des CTA).
Vient ensuite la mise en place opérationnelle, puis le lancement de la campagne. Les équipes de la technologie et des retailers partenaires de l’opération accompagneront l’annonceur à chaque étape de la campagne pour s’assurer de son bon déroulement. La fixation d’objectifs de profitabilité mesurables – des KPIs en termes de nombre d’impressions, clics ou chiffre d’affaires généré – permettra d’évaluer les performances de la campagne à l’issue de celle-ci, mais également de l’optimiser et d’en ajuster les paramètres en cours de route.
PASSERELLE : Le Retail Media, c’est pour toutes les marques ?
Elise Ophèle : Tout à fait, nul besoin d’être une marque internationale ou d’appartenir à un grand groupe pour faire du Retail Media.
Ce canal permettra au contraire aux marques moins connues d’émerger plus facilement dans les catégories et rayons numériques d’une enseigne, là où leur référencement naturel – entre les marques de distributeurs et les marques nationales – serait peut-être moins avantageux. Avec la bonne stratégie, les bons KPIs et l’assortiment nécessaire en drive ou en e-commerce (la disponibilité numérique de la gamme dans un nombre assez important de magasin), une marque pourra accroitre sa notoriété et réaliser aisément ses objectifs de ventes.
A titre d’exemple, nous avons récemment accompagné Léa Nature dans la mise en place d’un dispositif Retail Media, avec l’objectif de recruter des nouveaux consommateurs pour ses marques SO’BiO étic (cosmétiques) et Jardin BiO étic (marque alimentaire). Grâce à un dispositif “hors marque” - c’est à dire un ciblage excluant toute recherche de mots clefs directement liés à la marque – combinant publicités natives (sponsored product) et display, notre client a vu ses ventes augmenter considérablement et a observé un retour sur investissement de plus de 500% sur certaines campagnes.
PASSERELLE : Quels seraient donc vos conseils pour un annonceur qui hésite encore ?
Elise Ophèle : Se lancer et tester ! Les dispositifs Retail Media sont très accessibles, le ticket d’entrée se situant approximativement à 5000€ pour une campagne native (sponsored products) et à 15000 euros pour une campagne de branding / formats display enrichis. Je conseillerais d’ailleurs à une marque souhaitant activer ce levier pour la première fois de commencer par une campagne native, car celles-ci sont clés en main et donc très simples à activer.
Evidemment, le Retail Média dispose d’un avantage conséquent : sa mesure. Chez Criteo, nous proposons notamment d’analyser les parts de voix avant et après une campagne, et bien entendu de calculer très exactement les ventes incrémentales et le retour sur investissement généré !
PASSERELLE : Une dernière question … Comment voyez-vous l’écosystème du Retail Media évoluer dans les prochaines années ?
Elise Ophèle : Avec 30% de croissance annuelle selon les chiffres de l’Observatoire ePub du SRI, le Retail va continuer de se développer dans les mois à venir. Et à mesure que le marché s’organise, les retailers et e-commerçants gagneront en maturité et muscleront leurs offres en proposant de nouveaux formats et des inventaires étoffés.
Mais l’opportunité va encore plus loin : les données 1st party des enseignes et des retailers, qui offrent des insights inestimables sut les achats et comportements des shoppers, sont également activables en dehors des sites des retailers, autrement dit sur les sites de l’Open Web. C’est ce que nous appelons chez Criteo le Commerce Média : une nouvelle approche de la publicité qui utilise les données commerciales et le machine-learning pour cibler les consommateurs tout au long de leur parcours d'achat - de la découverte à la conversion en passant par la considération - et bien sûr avec des résultats quantifiables à chaque étape.
Cette approche bénéficiera non seulement aux e-commerçants, aux marques, aux agences et aux consommateurs, mais également aux éditeurs de l’open web, qui pourront valoriser leurs contenus et leurs audiences pour capter de nouvelles sources de revenus publicitaires et se faire relais de découverte pour les marques.
Interview extrait de la lettre Passerelle. N° de mars 2023. Les leviers de l'activation commerciale des marques PME-ETI.